07 décembre 2010

Mon père est plus fort que le tien

Je n'apprendrais rien à personne ce matin, mais mon père est plus fort que le vôtre.

Il pourrait réduire en poussière n'importe qui qu'avec une petite «pichenotte» de rien du tout. Il a une culture phénoménale qui pourrait jeter n'importe quel concurrent à Tous pour un au tapis. Pis les Jamie Oliver, Ricardo, Jean Soulard de ce monde seraient verts de jalousie de le voir aller devant un fourneau.

Voilà, c'est dit. Na na na nèreeee!

Paraît, toutefois, que ce discours enfantin ne se retrouve pas uniquement que dans les cours d'école entre deux sauts à la corde et une partie de ballon prisonnier. Avec le temps, au fil des calendriers qui passent, ce genre d'affirmations reste encore très présent dans les conversations des grandes personnes.


C'est juste que le héros de notre argumentaire est légèrement moins âgé que lorsque nous apprenions à multiplier 8 par 6.

«Hein? Ton fils ne se tourne pas encore du dos au ventre? C'est parce que le mien a commencé à faire ça il avait trois mois pile.»

«Tu as vu? Ma fille est capable de s'asseoir seule et elle n'a même pas cinq mois!»

«Moi, mon bébé marche à quatre pattes depuis qu'il a six mois, peut-être que tu ne stimules pas assez le tien?»

«Tu devrais entendre ma petite pie jacasser. Hé! Elle va fêter son premier anniversaire bientôt et déjà elle connaît plein de mots!»

«As-tu pensé à consulter? Il me semble que ce n'est pas normal que ta poulette ne marche pas encore. La mienne marchait à cet âge.»

Bla bla bla.

Fatiguant pareil, ce jeu des comparaisons. Déprimant même.

Bien voulez-vous m'expliquer pourquoi j'embarque là-dans tête première, cibole?

Chaque fois que je me retrouve en présence de petites personnes à couches, je cherche constamment à valider que ma fille est la meilleure. La plus avancée. La plus éveillée de toute la gang.

Ma Sam-Sam pète la courbe de croissance en termes de grandeur (ouin pis?). Ma Sam-Sam se vire du dos au ventre depuis qu'elle a trois mois (on lui décerne une médaille?). Ma Sam-Sam n'a jamais voulu de suce (oh! bonjour l'exploit!). Ma Sam-Sam ne se réveille qu'une fois dans la nuit (bien tant mieux pour toi!).

C'est assez ridicule quand on y pense. Que ma poulette soit capable de s'asseoir à cinq, six ou sept mois, on s'en balance. Il est fort à parier que lorsqu'elle montrera dans un autobus jaune, elle sera capable de mettre ses fesses sur une chaise sans pour autant se retrouver le nez sur le bois franc. Que si elle décide de finalement faire ses nuits complètes un jour, elle va de toute façon, arrêter de les faire quand l'adolescence se pointera.

Mais pourquoi, merde, embarquons-nous systématiquement dans cette compétition totalement inutile? Qui cherchons-nous à impressionner de la sorte? Parce qu'à ma connaissance, le 100 mètres quatre pattes ne sera pas à l'horaire de Londres 2012. Le saut en hauteur au Jolly Jumper n'a toujours pas son association sportive officielle. Et que le «fracassage» de courbe de croissance ne sera jamais homologué dans le livre des Records Guiness.

Et si c'était nous, les mamans et les papas, que nous cherchons à glorifier. Une façon détournée de se dire qu'on fait un bon boulot. De se donner une tape dans le dos. Parce qu'elles sont tellement rares les félicitations destinées à nous rassurer sur notre manière d'éduquer nos rejetons.

La prochaine fois qu'une maman vantera les mérites de son poulet, ne le prenez pas personnel, parce que vous saurez que c'est elle-même qu'elle félicite.

Aucun commentaire: