25 août 2009

Les cinq listes

Les quatre listes sont bien en vue, scotchtapées sur le fridg. Pis pour bien faire, il en faudrait une cinquième, mais je n’y arriverai pas. En tout cas, c’est mal parti.
La première liste est pas mal faite. Il ne manque que les espadrilles pis un «rapporteur d’angle pas troué au centre». La deuxième liste se porte bien aussi. Il ne me reste qu’à courir dans l’Est de la ville pour mettre la main sur des chaussons de danse.
Ça se corse dans le cas de la troisième et de la quatrième liste : les cahiers d’exercices obligatoires pour les deux poulettes. Dans ces cas, je n’ai pas sorti encore ma carte de guichet.
Je sais, c’est aujourd’hui la rentrée. Je sais, les cahiers sont supposés être déjà dans le sac à dos. Je sais, au moment même où les enseignantes auraient dû vérifier si la mère de mes héritières avait acheté les bons cahiers, cette même mère sera probablement à la librairie en train d’acheter ces foutus cahiers.
Mais au moins ma cinquième liste, la fictive, celle qui prend place dans ma tête, est complète. Les filles n’iront pas à l’école complètement nue : leur garde-robe est prête à affronter la rentrée. Bon je n’ai pas de mérite, Max et Filou ne semblent pas avoir poussé d’un poil depuis l’an dernier. Pas d’eau dans la cave pour les jeans. Pas de chandails bedaines involontaires. Et par conséquent, pas de shopping vestimentaire à prévoir pour la rentrée. Ce qui a pour conséquence que j’ai une liste où tout est coché. Cool!
Bon j’admets que je n’ai pas de quoi m'enfler la tête, mais je prends tout ce qui passe pour me remonter le moral. Parce que pour moi, la rentrée, c’est l’enfer.
Je ne suis pas de celles qui, dès la première semaine de juillet, ont tout acheté le matériel scolaire nécessaire à l’épanouissement pédagogique de ses enfants.
Je ne suis pas de celles qui passent des heures en symbiose totale avec des étiquettes à coller au fer à repasser qui se retrouveront sur tout le textile qui peut se nicher une place dans la maison.
Je ne suis pas de celles qui scrutent à la loupe toutes les circulaires possibles tant en papier que sur le net afin de dénicher les meilleurs soldes possibles pour les crayons HB, les règles en plastique mou de 30 cm et les cahiers catéchèse bleu 31-103.
Je ne suis pas de celles qui tiennent un registre serré sur Excel de tous les Prismacolor, cahiers Canada, stylo bleu et crayon marqueur à pointe fine à effacement à sec qui se retrouvent dans les pupîtres.
Je ne suis pas de celles qui trippent à passer des heures dans un magasin entre des dizaines de carrosses, des parents complètement hystériques, des commis totalement débordés au bord de la crise d’apoplexie.
Je ne suis pas de celles qui trouvent «super le fun» d’acheter un aiguisoir avec un couvercle qui se visse, des ciseaux avec des lames de plus de 5 cm, des index séparateurs et des feuilles mobiles.
Je ne suis pas de celles qui feront le trajet en voiture derrière l’autobus de leurs rejetons pour s’assurer qu’ils se rendront à bon port.
Je ne suis pas de celles qui ont mis sur pied un système d’acclimatation progressif au retour en classe pour les heures de sommeil.
Je ne suis pas de celles qui opèrent le logiciel Simple comptable avec un poste budgétaire dédié uniquement aux frais de la rentrée.
Moi, je suis de celles qui votent pour que l’on fasse un chèque à l’école pour que tous les articles indispensables à la réussite académique de mes poulettes se retrouvent dans leur sac à dos.
Moi, je suis de celles qui croient en la pertinence d’un uniforme scolaire pas tant pour les valeurs qu’il s’en dégage (fini le clivage dû aux classes sociales) que pour le magasinage que l’on évite aux parents.
Moi, je suis de celles qui croient que les enfants sont capables d’apprendre à écrire dans autre chose qu’un cahier à interligne plastifié Louis Garneau. Qu’ils sont dotés d’une plus grande intelligence qu’on pourrait le croire et qu’ils sont capables d’opérer des aiguisoirs avec des couvercles qui ne se vissent pas.
Je suis de celles qui rêvent que le gouvernement fasse le ménage des fameuses listes de matériel d’école. Qu’il uniformise la chose. Pis qu’il oblige les commerçants à abaisser le prix de certains articles essentiels (crayons, gommes à effacer, cartables, etc.) comme ça se fait en Suisse ou en Belgique.
Bon, trêve de rêveries. Je dois filer à la librairie.

19 août 2009

La vieille "matante"

Vous en avez une. J’en ai une aussi. Tout le monde en connait une. Pas besoin de se péter les bretelles avec ça, vous ne ferez pas de jaloux.
Vous savez, quelqu’un qui nous tape royalement sur les nerfs? Qui ressassent sans cesse les mêmes histoires plates («Dans mon temps, on marchait dix miles pour aller à l’école, nu pied dans neige avec notre pupitre sur le dos»)? Qui avait donc une meilleure vie que nous dans son temps («Dans mon temps, on recevait une pomme à Noël. Pis si on était chanceux, on avait une orange aussi. Pis on était content»)? Qui croient fermement que les jeunes d’aujourd’hui n’ont plus de valeurs, plus de respect et qu’ils sont sans considération pour leurs aînés («Dans mon temps, il aurait été impossible que je tutoie ma mère!»)?
Fatiguant hein?
Quand je vois cette «matante» commencer à se bercer, je sais que le pénible spectacle pour mes oreilles commencera. Je n’ai qu’une seule envie : m’enfuir à toutes jambes vers un monde meilleur. Malheureusement, pour éviter un drame familial, je me résous à tendre l’oreille et à faire des «Hum… hum… » pour lui démontrer un petit peu d’intérêt.
J’ai toujours pensé que ce genre de personne vivait dans le passé. Que ces gens sont incapables de s’adapter aux réalités d’aujourd’hui. Que ce syndrome arrivait avec les cheveux blancs et l’encaissement d’un chèque de pension.
Ça bien l’air que non.
J’en suis devenue une!
Et ce n’est pas de gaieté de cœur que je vous annonce ça. Gênée je le suis, mais c’est surtout traumatisée que je prends conscience que je suis devenue une vieille «matante» frustrée.
Ça m’a frappé de plein fouet le week-end dernier. J’avais amené ma basse-cour –mes deux poulettes et mon coq- camper au Parc national d’Oka quelques jours pendant mes vacances. Repos, lecture au son des chants d’oiseaux, guimauves sur le feu, grasses matinées, farniente sur la plage étaient les seuls trucs d’inscrits à l’agenda.
Une semaine de rêve. De tranquillité. De détente. Ça, c’est ce que je m’imaginais.
Une semaine d’enfer. De bruit. De frustration. Ça, c’est ce que j’ai eue.
Il y avait des fromages de l’Abbaye sur la table qui côtoyaient des terrines maisons achetées au marché local. Le coq débouchait un hydromel. Les poulettes jouaient aux cartes dans un calme peu commun. Une scène de film. Parfaite. Unique.
On s’assoit pour faire honneur à notre souper. Me suis étouffé avec ma première bouchée. La musique de la voiture qui venait de passer tout juste à côté de notre terrain était tellement forte que je suis certaine que vous l’avez entendue ici.
Trois jeunes sont sortis de la CRX modifiée. Je crois qu’ils avaient un défaut de fabrication aux oreilles, car même s’ils étaient à deux pieds l’un de l’autre, ils devaient hurler pour s’entendre.
Pendant qu’ils s’installaient, une Golf GTI est arrivée avec autant de fracas. Suivi d’une Civic. Et toujours autant de vacarme. En tout, ils occupaient trois terrains côte à côte. Pas question pour eux de s’approcher pour se jaser. Que non! Ils se hurlaient d’un terrain à l’autre.
«Tu as vu ça chéri? Quelle belle soirée va-t-on passer! Pas moyen de souper en paix maudit. C’est quoi leur foutu problème de déranger tout le camping de la sorte? On dérange-tu nous autres? Non. Pourquoi eux ils ne font pas pareil?»
«Geneviève relaxe. Ils sont jeunes. Ils ne veulent que s’amuser. On a fait pareil nous aussi.»
Et c’est là que la phrase qui tue est sortie : «Quand j’étais jeune, on faisait attention aux autres. On avait du respect pour ceux qui nous entouraient. Jamais je n’aurais agis de la sorte. Jamais! »
Voilà c’est fait. Je suis rendue une vieille «matante».
Mais c’est moi ou dans mon temps c’était mieux?