29 juillet 2009

Se fout-on de notre gueule?


Se fout-on de notre gueule?
Je pense vraiment que l'on se fout de notre gueule. Et pas à peu près en plus. Bien comme il faut. Avez-vous vu le dernier Châtelaine avec en front page la pétillante Mariloup Wolfe? Peut-être que vous ne l'avez pas reconnue. Normal. Elle est méconnaissable.
Ok. Il y a la nouvelle couleur feu sur sa tignasse autrefois blonde platine qui peut mêler les cartes.
Ok. Il y a cette petite touche de gloss sur les lèvres et cet ocre sur les paupières qui peuvent surprendre.
Ok. Il y a cette robe qui est loin de nous rappeler le style Marianne de Ramdam.
Mais quand même.
Ce que l'on retrouve sur cette photo, c'est une poupée de plastique complètement modifiée avec Photoshop qui est à 2000 kilomètres de la beauté naturelle de celle qui portera son premier long-métrage au grand écran sous peu, Les pieds dans le vide.
Je ne m'étais jamais vraiment attardée aux couvertures des magazines féminins. J'achète surtout ce genre de trucs pour les recettes proposées, pas pour la beauté de la une.
C'est une copine qui a sonné la sonnette d'alarme de mon radar à stupidité, il y a quelques mois, alors que l'on retrouvait Laurence Leboeuf sur la première page du Elle Québec. "Ça m'a pris une bonne minute pour la reconnaître! Elle est tellement retouchée qu'on dirait qu'elle est en plastique! Sincèrement, je trouve que c'est exagéré. Cette fille est une beauté naturelle et voilà qu'elle apparait sans aucun défaut, avec une peau de porcelaine parfaite. Vraiment, au premier coup d'oeil, on croirait à un personnage de jeu vidéo. C'est n'importe quoi!" s'était-elle indignée.
Va pour enlever le bout de persil coincé entre deux dents.
Va pour colorer la repousse de teinture que l'on n'a pas eu le temps de faire.
Va pour supprimer le bouton SPM apparu hier soir.
Va pour ajouter un peu de lumière dans l'oeil.
Mais il y a toujours bien des foutues limites!
Et puis, je suis supposée dire quoi à Maxim qui, du haut de ses 11 ans, monte sur la balance régulièrement et qui s'inquiète du chiffre qu'elle y voit, qui me demande comment faire partir ce bout de peau (un petit bourrelet de bébé), qui cherche par tous les moyens à faire disparaître les petits trous dans sa peau (les pores), qui passe des heures devant le miroir pour tenter de dompter ses cheveux qui refusent de se placer comme ceux de toutes ces stars qui posent pour Cool.
Et puis, je suis sensée faire quoi moi avec mes cernes en dessous de mes yeux? Avec ces cheveux blancs et ternes qui assaillissent ma tête? Avec ma silhouette qui me bloque des shootings photos des grands magazines du monde? Avec ma taille qui n'est pas mannequin pour deux sous?
On a beau dire que c'est du faux. Que c'est irréel. Arrangé. Mais l'image reste. Le standard de beauté à atteindre est là. Caché dans un racoin de notre coco. Il nous poursuit sans cesse. Est toujours là. Une quête impossible à atteindre.
Pourtant, chaque matin, devant le miroir, on tente de dompter ce cheveu ingrat au fer plat, on l'enduit de pâte à modeler, de fixatif. On exfolie-tonifie-crème cette peau pour qu'elle soit plus dynamique, pleine de vie, allumée. On se beurre de fond de teint pour cacher la petite patte d'oie sur le côté de l'oeil gauche. On roule une bille anti-poches sous l'oeil pour masquer l'apparence de ce cerne toujours trop gros sur ce visage résultat d'insomnie. On dépense 50 $ pour un mascara qui allongera nos cils de 15 %. On choisit un rouge qui donnera à nos lèvres une texture plus onctueuse, riche, renversante. Analyser tout le contenu en calories-glucides-lipides de ce que je mange pour éviter la culotte de cheval, la cellulite et surtout le surplus de poids.
Déprimant.

21 juillet 2009

La tête de cochon

C’en est une vraie de vrai.
Plus tête de cochon que ça, tu meures.
Son père avait l’habitude de dire: «Le monde n’est pas prêt pour Félixe!» Il n’avait pas tort.
Elle a beau être minuscule, porter du cinq ans alors qu’elle vient de souffler huit chandelles sur son gâteau d’anniversaire, avoir encore besoin d’un siège d’auto et encore aimer boire son lait chaud, reste que lorsqu’elle sort son sale caractère, on pourrait croire qu’elle mesure 6 pieds 4, qu’elle pèse 235 livres pis qu’elle s’entraîne dans un club d’haltérophilie.
Bref, un monstre.
Pourtant, quand elle vous regarde avec son air angélique, qu’elle vous fait des câlins, qu’elle dit que vous êtes la meilleure mère du monde, difficile d’imaginer que derrière ses yeux enjôleurs se trouve une tête dure comme du roc.
Elle était toute petite quand j’ai découvert qu’il n’y en aurait pas de facile avec ma poulette. On venait tout juste de célébrer son huitième mois de vie quand j’ai tenté de la sevrer. Je me vois encore arriver avec ma bouteille de lait et elle, sans aucun appel, la lançait à l’autre bout de la pièce. Le message était clair.
Le jour de son premier anniversaire, ma Filou ne marchait pas. Elle ne voulait rien savoir d’utiliser ses deux pieds pour aller chercher son Dipsy. Pourquoi se compliquer la vie à tenter de marcher alors que ses quatre pattes faisaient très bien le travail?
Pourtant, elle se tenait en parfait équilibre debout. Elle était super solide. Mais il n’y avait rien à faire pour la convaincre d’avancer. Ma loulou préférait se laisser choir sur le sol et se mettre en position quatre pattes.
À 13 mois, ma poulette n’avait toujours pas fait ses premiers pas. Elle était toujours autant obstinée à se promener à sa façon, soit à quatre pattes.
À 14 mois, j’ai commencé à paniquer. À m’imaginer mille et un problèmes. Et si ma fille avec une dystocie de la hanche? Et si elle avait une grave maladie qui l’empêchait de marcher? J’ai donc couru avec ma poulette sous le bras chez le médecin. «Non, il n’y a pas de problème, Madame Proulx. Tout est en ordre.» Suis sortie de là pas du tout convaincue. Me suis donc rendue chez l’orthothérapeute, l’osthéopathe et le chiro. Les trois spécialistes étaient d’accord. «Tout est beau, Madame Proulx. Elle n’est seulement pas prête encore à marcher.»
Tous ces rendez-vous, ces lectures sur les causes et conséquences de la dystocie m’ont tenu tellement occupée que je n’ai même remarqué que ma Filou marchait.
Un matin, elle s’est levée et s’est mise à courir dans la maison. Elle n’a pas fait comme tous les bébés dans leur apprentissage de la marche, c'est-à-dire, faire deux pas, tomber, se relever, refaire deux ou trois pas, retomber, se relever, etc.
Non, ma poulette s’est levé et elle est partie à courir. Tout simplement. Comme si ça faisait des mois qu’elle marchait. J’étais ébahie.
Elle a eu son premier vélo avec des petites roues à deux ans. Il n’a pas eu beaucoup de succès le vélo à deux ans. Je l’ai revendu l’été d’après parce qu’il était rendu trop petit. J’en ai racheté un autre, plus grand un peu. Toujours autant d’insuccès. Toujours dans la remise. À quatre ans, ma loulou regardait sa grande sœur faire du vélo dans la rue et ne l’enviait pas du tout. Ne désirait même pas tenter le coup. À cinq ans, elle a démontré un tout petit peu d’intérêt pour la chose. Mais sans plus. À six ans, toutes ses amies savaient faire du vélo à deux roues. Pas elle. Pis elle s’en foutait. À sept ans, la marraine a voulu prendre les choses en main. Elle a acheté un magnifique vélo à deux roues mauves avec de superbes fleurs. Le vélo est tout de même resté sous le perron tout l’été.
Elle ne voulait rien savoir. Était obstinée à mort sur le sujet. «Je ne veux pas apprendre à faire du vélo, bon.»
À huit ans, elle a sorti le vélo de sa cachette. Elle a dit, le plus simplement du monde, «Maman, je m’en vais faire du vélo.» Elle n’a pas voulu que je lui tienne le siège, que je lui donne des conseils, que je sois à ses côtés. Nenon. «Vas sur le balcon maman. Laisse-moi faire toute seule.»
Félixe a enfourché sa bicyclette mauve à fleurs et elle est partie. Voilà, c’était réglé. Après des années d’acharnement, ma poulette savait maintenant conduire un deux roues.
Elle l’a fait quand elle était prête. Quand ça été le moment pour elle. Reste juste à espérer qu’elle n’apprenne pas à ramasser sa chambre à 18 ans maintenant.

13 juillet 2009

Sous le pas de la porte...

Elle était sous le pas de la porte complètement ahurie.
Elle était là, à regarder la Ford de son amoureux s’en aller au loin. Refusant de croire ce qu’il venait de se passer. Ce qu’ils venaient de se dire.
Elle était là, sous le pas de la porte, en train de se gratter la bédaine. Les nouvelles vergetures qui ont fait leur apparition ce week-end, sur son gros globe-terrestre de 36 semaines, la démangeaient en s’il-vous-plait.
Elle était là, les yeux dans l’eau. Le cœur dans la flotte. Pis avec un bébé dans une piscine de liquide amniotique.
Elle était là, refusant de croire que plus jamais l’amoureux des trois dernières années ne reviendrait. Que le papa de la petite bestiole qui a pris son utérus en location pour neuf mois ne serait plus là.
Elle était là, sur le pas de la porte, à prier. À espérer qu’il change d’avis. Qu’il revienne. Qu’ils jasent. Qu’ils s’expliquent. Qu’ils rigolent de la mésentente. Qu’ils repartent leur histoire à zéro.
Elle a attendu longtemps sur le pas de la porte qu’une Ford se stationne dans le driveway. Mais jamais la Ford n’est revenue se stationner dans le driveway.
Les larmes ont coulé longtemps sur la première maison de cette petite bestiole tant voulue, tant attendue.
Tellement qu’elle ne voulait la plus mettre au monde cette petite bestiole tant voulue, tant attendue. Elle ne pouvait pas, ne voulait pas croire qu’elle ne pourrait pas offrir à cette petite bestiole tant voulue, tant attendue, un papa, une famille.
C’est sur le pas de la porte, en regardant par la fenêtre, qu’elle a réalisé que leur vie prendrait une nouvelle route. Et pas la même que la Ford qui venait de quitter le driveway de leur appart de l’est de Sherbrooke.
Quatre semaines plus tard, c’est sur le pas de la porte qu’elle a crevé ses eaux. Le driveway était toujours vide.
C’est en tenant la main de sa meilleure amie qu’elle a poussé sa petite bestiole à la vie. Elle a espéré jusqu'à la toute dernière contraction le voir arriver dans le cadre de porte. Revenir sur sa décision. Reprendre son job de papa.
C’est sur le pas de la porte de sa chambre d’hôpital qu’elle a réalisé qu’elle ferait cavalier seul avec sa bestiole. Qu’il ne fallait plus espérer.
Mais c’est aussi là, sur le même pas de porte, qu’elle a fait la promesse à sa bestiole qu’elle serait une maman d’enfer. Qu’ils feraient une équipe du tonnerre.
Elle est donc repartie toute seule avec sa petite bestiole.
En arrivant chez elle, elle n’a même pas regardé si la Ford était dans le driveway. Elle avait mieux à faire. Elle avait une nouvelle vie à gérer, à aimer, à cajoler.
Puis les semaines ont passé. Mais pas beaucoup de mois. Sur le pas de la porte d’une amie, ses yeux ont croisé ceux d’un grand de 6 pieds 2.
Il n’a pas fallu beaucoup de pages de calendrier avant que sa Honda ne se stationne dans son driveway. Avant qu’il ne devienne une part entière de cette famille un peu hors norme, pas très traditionnelle.
Les saisons ont passé. La Honda est toujours stationnée dans le driveway. La bestiole court maintenant partout. Elle babille quelques mots. Et dernièrement, elle a regardé le grand de 6 pieds 2 et lui a dit : «T’aime papa! ».

07 juillet 2009

La briseuse de famille

J’aurais voulu lui arracher les yeux.
Littéralement.
Ses longs cheveux, je m’en serais servi pour l’étrangler.
Je rêvais de la découper en tout petits morceaux et de la faire frire dans du Crisco. Pas question de gaspiller de l’huile d’olive pour elle.
Je me retenais à deux mains pour ne pas lui téléphoner à 2 h du matin et lui chanter un paquet de bêtises, lui crier ses quatre vérités.
Je passais des heures à ébaucher des plans machiavéliques de vengeance. Je me demandais comment couper la ligne de frein de sa voiture. De quelle façon je pourrais entrer en contact avec son patron pour lui raconter n’importe quoi sur son compte.
Je voulais qu’elle souffre. Qu’elle pâtisse. Qu’elle éprouve autant de peine que je pouvais en avoir. Que sa vie devienne un enfer.
Je priais tous les dieux de l’univers pour qu’un jour, quelqu’un lui fasse autant mal qu’elle m’en avait fait.
J’aurais voulu jouer aux dards avec sa face comme cible. M’adonner au Vaudou avec une petite poupée qui la représentait.
Je passais des heures à la bitcher. À dire qu’elle était une ci, une ça. Qu’elle était comme ça et surtout pas comme ci.
Je me voyais arriver chez elle au beau milieu de la nuit pour faire sauter une bombe.
Bang!
Sors de ma vie. Sors de notre vie.
Je me levais la nuit pour l’haïr.
Je me levais la nuit pour haïr la vie qu’elle m’avait imposée.
Je me levais la nuit pour haïr la vie qui l’avait mise sur mon chemin.
Je la détestais quand mes poulettes partaient chez papa et qu’elle prenait ma place auprès de mes filles.
Je la détestais quand Max et Filou revenaient à la maison le lundi matin avec de belles tresses aux cheveux qui n’étaient certainement pas l’œuvre des gros doigts de papa.
Je détestais quand ma plus vieille me racontait ce bon souper qu’Elle avait fait.
Je détestais quand ma plus jeune me disait qu’Elle était gentille et drôle.
Je la détestais parce qu’elle vivait ma vie un week-end sur deux.
Je la détestais tout le temps. Tout le temps. Tout le temps.
Puis les choses ont changé.
Tranquillement. Mais elles ont changé.
Tranquillement, j’ai réalisé que j’étais nounoune. Stupide. Idiote.
Nounoune parce que mes puces étaient chanceuses d’avoir une belle-mère qui les aimait autant.
Stupide parce que je bousillais mon temps à entretenir des pensées négatives à propos de quelqu’un qui n’avait pas choisi de briser une famille.
Idiote parce que j’ai compris que cette femme n’était pas la cause de la rupture entre l’ex et moi. Elle était une conséquence.
Mais c’était tellement plus facile de tout lui mettre sur le dos plutôt que d’accepter ma part de responsabilité dans l’échec de ma relation amoureuse.
À toutes celles qui rêvent la nuit d’étrangler la nouvelle belle-mère de leurs enfants, je peux vous certifier que les nuits sont beaucoup plus reposantes lorsqu’on l’accepte

03 juillet 2009

Que deviendras-tu?

Vous aviez quel âge quand vous avez décidé de quelle façon vous gagneriez votre vie quand vous seriez grand?
Je ne faisais pas partie de la gang de ceux qui savait en maternelle qu’ils deviendraient pompier ou dentiste. Jacynthe, une copine du secondaire savait qu’elle serait médecin, comme son père, dès qu’elle a commencé à babiller. Céline aussi, une autre amie, n’avait qu’un seul but : asseoir ses fesses à la fac de droit. Que dire d’Élizabeth qui est née, j’en suis certaine, avec des Prismacolor dans les mains? Personne n’est étonné de la voir bosser dans une boîte de graphisme aujourd’hui.
Mais on s’entend que ces filles-là sont une minorité. Savoir avant même de décrocher ton diplôme d’études secondaires où tu puncheras in le matin une fois adulte, c’est assez rare. La plupart de mes copines ont tergiversé.
Julie, par exemple, une petite bol, que tous voyaient avec deux ou trois doctorats dans les poches, a pourtant fuit à l’autre bout du Canada avec un DEC dont l’encre du diplôme était à peine sèche. Et n’allez pas croire qu’elle ait raté sa vie la copine. Que non! Elle est propriétaire d’une plantation de pêchers dans l’Okanagan et est la plus heureuse des agricultrices!
Maryse, entre nos cours de FPS, d’histoire et de maths 536, a toujours dit à tout le monde qu’elle deviendrait hygiéniste dentaire. Elle les a fait ses études pour le devenir. Mais dès la graduation terminée, Maryse prenait le chemin de l’université. Pas pour entrer à la Faculté de médecine dentaire et ainsi devenir dentiste, non plutôt pour y poursuivre une formation pour devenir enseignante de français au secondaire!
Quand j’étais très petite, je voulais devenir pompier. Probablement que j’ai été influencée par l’épisode de Passe-Partout où on chantait «Au feu, au feu, les pompiers sont au travail. Mesdames, messieurs, attention faut qu’on travaille.» Je trouvais que ça avait l’air pas mal cool que de conduire de gros camions rouges, de glisser d’une basse de métal, de grimper dans de très hautes échelles pour arroser des maisons en feu.
Ensuite, probablement séduite par Ghislaine et Manon, mes profs de maternelle et de 2e année, j’ai voulu devenir enseignante moi aussi. J’imaginais mes journées remplies de jeux, de bricolage, de chansons et de ballon prisonnier. Parce que dans mon idéal de classe d’école, il n’y avait pas de place pour les mathématiques plates, ni pour l’apprentissage de l’écriture en lettres attachées.
Quand je suis allée voir La Grenouille et la baleine au ciné, j’ai su qu’un jour je deviendrais comédienne. Fanny Lauzier n’avait qu’à bien se tenir parce que j’arrivais avec toute l’assurance du monde qu’un jour, et du haut de mes neuf ans bien comptés, il y aurait un Oscar sur mon manteau de cheminée.
Pourtant, c’est en histoire que j’ai étudié à l’Université et c’est en journalisme que je gagne ma vie. Pour le moment. Qui sait ce que l’avenir me réserve? Sais pas. J’ai pas encore choisi.