27 mai 2009

Souvenir en HD

C’est arrivé tellement, mais tellement vite. C’est hallucinant.
Ça fait presque huit ans et je m’en rappelle comme si c’était hier. Les images me reviennent en tête de façon marquée, en full HD, avec son Dolby. Les émotions sont les mêmes. Le cœur me serre, ma gorge se noue juste à y penser.
Il faisait chaud. Tellement chaud. Une vraie canicule de juillet. Le thermomètre devait indiquer 200 degrés pour ne pas dire plus. L’eau nous pissait dans le front, coulait dans notre dos. On buvait trois litres d’Évian à l’heure pour compenser.
Même Filou avec ses 21 jours de vie trouvait le temps pénible. Si elle avait été capable de le faire, je n’aurais pas été surprise qu’elle enlève sa couche parce que même ça, c’était de trop sur son corps.
Pis Maxim avais passé la journée à se plaindre. Les jeux d’eau dans la cours n’avaient pas réussi à la refroidir. Ni les dizaines de Popsicle. Ni le ventilateur qui lui soufflait de l’air frais dans son visage.
«Bon, OK, poulette, viens-t-en, on va aller à la piscine.»
Arrive au trou d’eau municipal. C’est plein. Ben plein. On comprend que nous ne sommes pas les seules à souffrir de la chaleur.
On réussit à se trouver une petite place. Pendant que Max enfile sa veste de flottaison, je m’étonne de constater qu’il n’y a que deux sauveteurs pour toute cette population de baigneurs. Et que ces deux mêmes sauveteurs sont occupés à jaser entre eux.
Je passe la remarque à notre voisine. «Je sais. Moi aussi je trouve que la surveillance est ordinaire. C’est ce qui explique que je m’assure moi-même que mes deux enfants de 10 et 11 ans sont en sécurité.»
Le message était clair. Très clair. Une maman avertie en vaut deux.
J’installe la poussette de Filou (qui dort comme une bûche) près de la clôture. J’amène Max dans les petites marches. Elle joue là pendant de nombreuses minutes. Je la regarde s’amuser à faire des petites vagues, à taper sur l’eau, à s’arroser. Elle rigole. Elle est heureuse… comme un poisson dans l’eau!
Quelques fois, je fais la police avec d’autres petits qui bousculent ma puce. C’est qu’ils sont plus d’une centaine d’enfants du camp de jour à plonger, à sauter, à nager dans ces milliers de litres d’eau. Il y a de l’action! Les deux sauveteurs? Ils jasent toujours.
Maxim commence à être fatiguée. L’heure du dodo d’après-midi est largement dépassée. Elle sort de l’eau. Je l’aide à enlever sa ceinture. La range sous la poussette de Filou, ce qui a pour conséquence de la réveiller. Et quand un bébé de trois semaines se réveille en sursaut, ça pleure. Je me lève pour la prendre et comme je la sors du carrosse, il y a une dizaine d’enfants qui s’attroupent autour de moi, attirés par ma cocotte. Je perds Max des yeux.
Quand je la retrouve, elle est au fond de l’eau. Pas au fond de la barboteuse. Non, au fond la partie profonde de la piscine.
Depuis combien de temps est-elle là? Fouille-moi.
Mais je peux vous dire que mon cœur s’est arrêté de battre à cet instant même. Que mes poumons ont cessé de fonctionner également. Mes fonctions cérébrales ont stoppé net.
J’ai lancé Filou dans la poussette, ai crié aux enfants de se tasser et ai sauté dans la piscine. Toute habillée. Pour aller chercher ma puce qui était sous dix pieds d’eau.
En sortant, je me souviens d’avoir souhaité qu’une seule chose: que ma grande respire. Elle était consciente. Je l’ai couché sur le sol et j’ai regardé sa cage thoracique. Elle s’est soulevée. J’ai remercié le ciel.
Je me souviens aussi d’avoir hurlé aux sauveteurs ma rage face à leur insouciance.
Je me souviens surtout qu’ils ne sont jamais venus voir si Maxim était correcte. Si nous avions besoin de quelque chose. Trop occupés à jaser.
Une plainte à été déposée à la Ville. Des mesures ont été prises rapidement, limitant ainsi le nombre d’enfants du camp de jour à fréquenter la piscine en même temps. Bravo.
Mais avec les événements survenus à la piscine de l’école Montcalm il y a dix jours, je suis persuadée que deux sauveteurs pour une centaine de jeunes, c’est trop peu.
Parce qu’il faut trop peu de temps pour que le pire survienne.

19 mai 2009

Le mariage des meubles

Pas beaucoup d’expérience dans le domaine. Pour ne pas dire zéro expérience. Sais pas pentoute comment ça marche ce bidule.
Ce qui est désolant, c’est que je ne trouve pas de manuel d’instruction, ni de livre-conseil à la biblio pour m’aider dans tout ça. Dois me débrouiller toute seule. Comme une grande. Pis je trouve ça rushant à l’os.
C’est ce dimanche que l’amoureux et moi cohabiterons officiellement ensemble. Que nos divans, nos couteaux à steaks et nos débarbouillettes feront également vie commune. La dernière fois où j’ai emménagé avec quelqu’un, je sortais de l’adolescence et avais dans ma seule boîte, mes bobettes et mon déodorant.
Donc, comme ce n’est qu’une simple maison que nous avons acquise, pas de place pour deux woks, 48 coupes à vin rouge et deux aspirateurs dans nos armoires et garde-robe.
Alors il y a moi qui arrive avec mon (énorme) bataclan. Tout est neuf ou presque. Tout est, évidement, plus beau, plus performant, plus important que ce que l’amoureux possède.
«Ge, tu savais que j’avais un petit four grille-pain?»
«Ah oui chéri? Moi aussi j’en ai un. Il est à convection le tien?»
«Ge, ma télé 27 pouces, on va la mettre où dans la maison?»
«Chéri, c’est que j’ai déjà deux 37 pouces écran plat… A-t-on vraiment besoin de ta télé?»
«Ge, il me semble que ça serait beau mon divan dans le salon. Qu’en penses-tu?»
«Chéri, ton divan est beige pâle. Je te prédis que d’ici deux semaines, il y aura une tache de lait au chocolat, une de jus de raisin, des barbots de Crayola pis que les craques seront remplies de Oreo, de Nintendo DS pis de pièces de casse-tête. Ton divan, si on ne veut pas passer trois jours par semaine à le frotter, il serait parfait dans les petites annonces, non?»
«Ge, j’ai vraiment hâte de voir ma table à dîner en vitre dans la salle à manger!»
«Euh… chéri, une table en vitre avec des enfants! Y as-tu pensé deux secondes? Non seulement je vais passer mon temps à nettoyer les milliers d’empreintes de doigts qu’il va y avoir dessus, mais en plus elle est trop petite ta table. La mienne est beaucoup plus grande et facile d’entretien. Sans oublier que j’ai un super buffet qui se marie à la perfection avec.»
«Ge, j’ai de beaux stores qui sont justement de la bonne grandeur pour les fenêtres du salon.»
«Chéri, c’est drôle que tu me parles de ça. Je regardais justement mes rideaux et je me disais que c’étaient donc plus faciles à laver et plus jolis que de simples stores.»
«Ge, tu as vu ma plante araignée? Je ne le retrouve plus. Pourtant, je me rappelle l’avoir mis là, entre les boîtes de la salle de bain et celles de la chambre à Filou. Je voulais l’installer sur le rebord de la fenêtre de la cuisine.»
«Euh… non, pas du tout chéri. As-tu bien regardé? C’est vrai que ça aurait été une bonne idée de la mettre là…» dis-je en espérant qu’il ne pensera pas à aller voir dans le compost…
«Que dirais-tu si je mettais ma mijoteuse dans cette armoire?»
«Chéri, pas besoin de ta mijoteuse. La mienne est programmable, a une capacité de six pintes, a une sonde pour la température, le couvercle est à charnière et elle va au lave-vaisselle. Tu devrais aller porter la tienne chez Estrie Aide, tu rendrais sûrement une famille super heureuse.»
Ne me jetez pas des tomates. Ne me criez pas après. Je suis une néophyte. J’apprends et j’ai même commencé à faire des concessions. La preuve? J’ai sorti la plante du bac brun et le divan beige prendra place, à ses risques et périls, dans le salon.
Advienne que pourra!

11 mai 2009

Déléguer 101

Le frigo est vide.
Ben, presque vide. Si l’on tient compte de la bouteille de Ketchup dans laquelle il ne reste que de quoi faire deux hamburgers, les trois œufs et la pinte de lait (qui expire demain), je crois que l’on peut tout de même dire que l’inventaire du fridg est à sec.
Le plancher, quant à lui, est loin d’être abandonné par la poussière et autres détritus aimant se poser sur le bois franc. Quand c’est rendu que des petits minous se promènent au bas des plinthes, on peut affirmer hors de tout doute raisonnable qu’une balayeuse serait d’adon.
Il y a tellement de vêtements sur la (nouvelle) frontale que tous les tiroirs de l’appart sont déserts. Chaque matin, c’est le branle-bas de combat pour y trouver bobettes, bas, pantalons et chandails pour habiller tous les habitants de l’endroit. Pas toujours simple de réussir à trouver deux bas jumeaux ainsi qu’un haut qui fit avec le bas.
Pour une raison que j’ignore totalement, il y a les dvd de la dernière saison des Frères Scott qui traînent sur le panier à linge de la salle de bain. Il y a aussi des partitions de piano tout juste à côté du bain, un verre de jus à moitié plein pis un amas de vêtements sales entre le lavabo et la toilette. Évidemment, le rouleau de papier de toilette est à changer et ce n’est pas simple de se regarder dans le miroir tant il y a des résidus de pâte à dents (vous devriez voir Filou se laver les chiclets, ça revole!).
Ajoutons à ce magnifique portrait de ma résidence, des multitudes de boîtes éparpillées un peu partout: sur le piano, sur la table de la cuisine, sur le divan, entre la porte-patio et la télé, au pied de mon lit, dans l’entrée de la chambre des poulettes. Bref, il n’y a pas un pied carré de l’appart qui ne possède pas son propre carton.
Pour y voir clair dans tout ce bordel, dans tous les trucs à faire avant le jour J du déménagement, en bonne maman et chef de famille responsable, me suis fait des listes. Une liste pour les changements d’adresse. Une seconde pour les tâches à effectuer (trouver un plombier, choisir les couleurs du sous-sol). Une autre pour les rendez-vous à ne pas oublier (installation du câble, banque pour l’ouverture du compte conjoint, rendez-vous avec le poseur de tapis). Une pour les trucs à acheter (rideaux pour le salon, miroir de salle de bain, tapis d’entrée). Une dernière pour prioriser les priorités (acheter quelque chose pour le souper, trouver du temps pour dormir, signer la dictée de Filou, trouver le casque de vélo de Max avant sa sortie avec l’école, trouver un déménageur).
Et c’est en regardant le frigo (vide) et toutes les listes qui y sont collées ce matin que j’ai réalisé que je ne pouvais pas tout faire toute seule. Que d’ici le jour fatidique du déménagement, il y avait une tonne de choses à faire et qu’il était mathématiquement et physiquement impossible que j’y arrive sans aide.
Alors me suis transformée en général d’armée. En capitaine de service de police. En PDG d’entreprise privée. En chef de famille, quoi.
«Max, tu es nommée responsable du lavage jusqu’à nouvel ordre. Il y a une brassée de serviettes dans la sécheuse à plier. Après tu feras trois piles de vêtements: les foncés, les pâles pis les serviettes. Pour la laveuse, je te monterai comment faire», lui dis-je d’un ton sans appel.
«L’amoureux, tu es nommé responsable des soupers jusqu’à nouvel ordre. Pour ce soir, il y a des poitrines de canards de dégelées. Tu taperas poitrines de canard et recettes sur Google, tu trouveras quelque chose à la hauteur de tes compétences», lui dis-je ignorant ses yeux paniqués devant l’ampleur de la tâche à accomplir.
«Filou, tu es nommée responsable du balai et de l’aspirateur jusqu’à nouvel ordre. Et un aspirateur, ça se passe aussi en dessous de la table de cuisine, entre les coussins du divan et derrière la plante du salon», lui dis-je tout en n’écoutant pas ma petite voix qui me disait qu’une plainte à la DPJ pour mauvais traitements envers ma fille de sept ans m’attendrait au tournant.
«Et tous les trois, vous êtes conjointement solidaires de l’état de propreté de la salle de bain, de vider la récup dans le bac et de ne pas attendre que la poubelle et le compost sentent jusqu’à Magog avant d’aller les porter dehors et ce, jusqu’à nouvel ordre», leur ai-je dit avec un ton qui ferait mourir de peur bien des Talibans.
Non mais il y a toujours bien des limites à vouloir tout faire, tout contrôler. Peut-être que le miroir de la salle de bain ne sera pas aussi étincelant que lorsque je le frotte moi-même. Peut-être que le canard sera un peu moins tendre que lorsque je le fais cuire moi-même. Peut-être que mes débarbouillettes ne seront pas pliées à l’équerre comme je le fais moi-même.Mais une question se pose: et puis?

Vin et shampooing

La formule est simple.
On fait une razzia à la SAQ. On vide le congélo de sa réserve de sauce à spagh.
Surtout, on s’assure qu’il y a assez de papier d’aluminium. Parce que ça en prend pas mal.
Pis on débarque chez Lalie. En gang. En grosse gang.
Ma mère s’occupe du souper. Bruno prend en main le bar maison. Personne ne peut avoir les mains vides, d’où le concept «Vin et shampoing». Marie-Pier installe son attirail de kéffure. C’est elle qui met en pratique le «shampoing» de la soirée.
C’est mon père le premier à prendre place sur la chaise. On ne peut pas vraiment dire qu’il est très sexy avec son casque à mèches sur la tête. Il passera les prochaines 30 minutes avec du décolorant dans cet accoutrement pour le moins étrange. Pour l’instant, il détonne dans le lot. Plus tard, ça énervera plus personne.
Max est à côté de Marie-Pier. Elle trépigne d’impatience parce qu’elle sera la prochaine. Maman a ENFIN dit oui à son désir d’avoir quelques mèches mauves. Depuis le temps qu’elle en rêve, qu’elle en parle, qu’elle s’imagine avec cette coiffure qu’elle ne peut pas croire que ce jour est enfin arrivé.
Alex passera aussi sous le pinceau teinturier de notre coiffeuse privée. Après, ce sera Lalie, Bruno, Mathieu, Filou, ma mère et moi-même. Grosse soirée en vue. Les ciseaux de Marie-Pier ne seront pas sortis de leur étui pour rien.
Pendant que Marie-Pier se débat avec le rouleau de papier d’aluminium pour faire les mèches de Lalie, Bruno ouvre une deuxième bouteille de rouge. Ma mère et moi, on rigole en pensant à la saga du centre de foires. Filou raconte à mon père la danse qu’elle fera au spectacle de fin d’année. Mathieu dort debout: sa journée passée à faire des rénos dans notre nouvelle maison l’a épuisé.
Il est 19 h 20. Annie débarque avec sa boîte de poulet parce qu’elle a passé en dessous de la table. On lui pardonne, notre amie arrive tout droit du bureau. Même s’il avait fallu qu’elle dorme au bureau pour venir à bout de sa pile de dossiers, elle n’aurait raté pour rien au monde ce rendez-vous hors du commun qui revient à son agenda aux six semaines. Dès que sa poitrine de poulet sera avalée, elle prendra la place de Bruno sur la chaise de notre coupeuse de cheveux officielle.
Mon père peut enfin se libérer de sa capine. À 53 ans, il nous fait bien rire avec sa coquetterie capillaire.
Une troisième bouteille est ouverte. Les rires fusent. Les potins sont mis à jour. Alex est en train de se rincer la tête dans l’évier de la cuisine. Max ramasse les tonnes de cheveux par terre avec l’aspirateur.
Filou me redemande si elle peut avoir des mèches roses. Mathieu s’informe si je le trouve toujours aussi beau avec sa nouvelle clean cut. Enfin, c’est mon tour. J’étais dû pis pas à peu près... Lalie n’arrête pas de m’appeler la mouffette… Parce qu’en plus de pousser dans l’eau, donc très rapidement, mes cheveux sont aussi blancs qu’une montagne de farine…Pas sel et poivre là. Pas grisonnant non plus. D’un blanc maculé. Alors quand la repousse doit être refaite, soit j’ai l’air d’un Oreo, soit d’une moufette. Chic, chic, chic…
Mathieu, Bruno et mon père élaborent une stratégie pour attaquer les travaux à faire dans la salle de bain de la nouvelle maison. Lalie tente de convaincre ma mère d’aller voir les Expos ce week-end.
La soirée s’étirera jusqu’à tard, très tard dans la soirée. Une quatrième bouteille se retrouvera sur la table. Au final, on aura tous un look de star. Mais surtout, on aura partagé du temps précieux ensemble.