25 mars 2008

Fatiguée, je suis fatiguée

Je dors debout.
J’ai le teint d’une pinte de lait.
J’ai des cernes qui descendent en bas de mon menton.
Je baille à écorner les bœufs. À m’en décrocher la mâchoire.
Mes yeux ferment tout seul.
Je suis sur les genoux. Je suis incapable de me concentrer. De bosser pour la peine.
Pis j’ai un caractère de chien.
Je suis fatiguée. Claquée. Crevée. Extenuée. Complètement vidée.
Je ne rêve que de mon lit. De mon oreiller. De ma couette. De mon pyjama.
Pas un son. Pas un téléphone qui sonne. Pas une télé qui joue en sourdine. Pas de lave-vaisselle qui travaille. Pas de Filou qui joue aux Pet Shop. Pas de Maxim qui pratique son piano. Pas de témoins de Jéhovah qui veulent me convertir. Pas de sondage téléphonique. Aucuns stimuli externes. Juste du silence svp.
Je veux une nuit de 20 heures sans réveil. Un marathon de rêves. Une succession non-stop de cycles de sommeil paradoxal, intermédiaire et lent. Je veux subir une baisse de mon tonus musculaire. Je veux baver sur mes draps.
Je veux m’effondrer comme une roche dans mon lit. Je veux me prendre pour le duo Lennon-McCartney et chanter à tue-tête : I should be sleeping like a log. Je veux être mis K.O. par Rocky.
Je veux la visite du marchand de sable. Je veux dormir du sommeil du juste. Je ne veux plus compter de moutons.
Je souhaite faire une cure intensive de sommeil. Et même tomber en état d’hibernation. Je veux souffrir de narcolepsie ou d’hypersomnie.
Je veux être la Belle au bois dormant. Je tuerai pour que Morphée m’invite chez elle. Je veux me réincarner en Schtroumpf Paresseux. Je veux personnifier le Dormeur des sept nains.
Je veux dormir à poings fermés. Comme un loir. Une marmotte. Un bienheureux.
Je veux répondre oui quand on me demande si j’ai bien dormi. Je ne veux pas me faire réveiller par le cadran. Je ne veux plus snoozer le matin.
Je veux me coucher en même temps que le soleil. Et l’ignorer quand il se lèvera le lendemain.
Je veux aller au dodo. Au plumard. Je veux me pieuter. Me coucher à l’heure des poules.
Ce soir, je vais aller au lit tôt. Très tôt. C’est décidé. Rien ne pourra contrecarrer mes plans. Pas de télé. Pas de souper qui s’éternise. Pas de livre à dévorer. Pas de bain pour relaxer. Pas de game de Scramble sur Facebook. Pas de jasette au téléphone avec ma copine Dany. Je vide l’agenda de ses obligations. Et je me tape un tête à tête avec ma couette.
Demain, cette lassitude qui m’habite, cet épuisement qui me colle au cul sera de l’histoire ancienne. Demain, sera un autre jour. Demain, je serai remplie d’énergie, prête à relever mille et un défis. Demain, mes jours seront meilleurs.
Tout était prêt. C’était un plan si simple. Entrer dans ma chambre. Me déshabiller. Enfiler mon pyj. Me réfugier sous les doudous. Fermer mes paupières. Mettre la switch à off. Plonger dans un coma profond. Et si j’ai du temps, rêver.
Ça c’était le plan.
La réalité? Toute autre. Rien à voir. Mes idéaux ont pris le chemin de la poubelle. Bebye. Mes espoirs? Anéantis. Mon moral? Complètement à plat.
Filou s’est tapé une petite crise de somnambulisme. Un mauvais numéro à 1h du matin. La déneigeuse, deux heures plus tard. Le camelot qui mène un train d’enfer à 6h. Les pelles mécaniques à 7h le matin. Le dynamitage par la suite.
Vous ai-je dit que je suis fatiguée?

18 mars 2008

Quand avez-vous su que...?

Ça été un drôle d’après-midi.
Un après-midi qui comportait un rendez-vous ennuyeux dans mon agenda. Une date que je remettais de semaine en semaine, de mois en mois pour ne pas dire d’année en année.
Vous savez, le jour où on doit faire une phrase complète avec les mots étriers, médecin et spéculum? D’ailleurs, je vous interdis de vous faire une image mentale de la situation…
M’enfin. Entre le Pap test et la cytologie, mon médecin me fait la conversation tentant de diminuer le malaise et de faire passer le temps. Louanges à toi cher doc; la tactique fonctionne à merveille.
« Et puis, les enfants ça va? Elles sont rendues à quel âge. Ça va l’école? » qu’il me demande, rempli d’intérêt, il en va de soi.
Tout en regardant attentivement le plafond, je lui jase des poulettes. Des succès de l’une, des projets de l’autre. Une conversation bien banale. Rien pour écrire à sa mère, ni même pour en faire une chronique.
Soyez patient. Le punch arrive.
Tout à coup, il arrête de bosser. Il ne parle plus. Il recule un peu de la table d’examen. Je sens que quelque chose cloche. Je me lève la tête question de m’assurer qu’il ne vient pas de découvrir un cancer de stade 4 quelque part.
Nos yeux se croisent. Je commence à avoir chaud. J’ai des palpitations cardiaques. Des milliers d’images se bousculent dans ma tête. S’il fallait. Je me prépare au pire. Je ferme les yeux question de mieux encaisser le coup fatal.
« Toi, Geneviève, en veux-tu encore des enfants? »
Ma tête retombe sur la table d’examen aussi fort qu’une roche tombée du haut de l’Empire State Building. Je n’allais peut-être pas déménager au cimetière la semaine prochaine, mais la question m’a tout autant bouleversée.
« Euh… »
C’est tout ce que j’ai été capable de répondre. Difficile de discuter de telles questions existentielles alors que j’étais exposée de la sorte.
L’affaire, c’est que je n’avais aucune idée quoi répondre. Aucune. Quand est-ce avez-vous su que c’était terminé? Comment avez-vous senti qu’il était temps de fermer le canal famille? Cette décision, vous l’avez prise avec votre tête, votre cœur ou votre corps? Toutes ces réponses?
Même si ma carte d’assurance-maladie indique que j’aurai 32 ans bientôt, j’ai encore le temps de faire une dizaine de bébés avant que mon utérus ne prenne sa retraite. Pis il faudrait surtout que je trouve quelqu’un qui accepte de cocher « père » sur la déclaration de naissance. Je peux donc encore analyser la chose en long et en large, je sais.
Mais n’empêche, la question vaut la peine d’être débattue avec moi-même. Je ne déteste pas ma vie familiale du moment. Les filles sont autonomes. Elles me laissent dormir la nuit. Je n’ai plus besoin de jouer les clowns de service pour les divertir. Et si je suis patiente encore un peu, elles feront elles-mêmes leur lavage. Le bonheur quoi!
Alors, penser à l’allaitement, aux purées, aux couches, aux otites, aux nuits d’insomnie, aux cernes en bas du menton, aux vilaines vergetures, ça me fout un peu la trouille.
Malgré tout, je suis incapable de dire un non catégorique à un futur projet d’agrandissement familial.
Un dossier à suivre.

13 mars 2008

Qui êtes-vous?

Dites-moi, qui êtes-vous?
Quel est votre nom? Qui signe votre chèque de paye? Avez-vous des enfants? Que mangez-vous pour souper? Combien de chandelles soufflerez-vous sur votre prochain gâteau d’anniversaire? Qu’est-ce que vous écouterez à la télé ce soir?
Que faites-vous de vos dix doigts pour vous désennuyer? Où irez-vous en vacances l’été prochain? Êtes-vous en amour? À qui rêvez-vous la nuit? Croyez-vous au père Noël? Pensez-vous assister au prochain spectacle de Wilfred à Sherbrooke?
C’est fou comment je ne sais rien sur vous. Sweet nothing!
Et je crois qu’il s’agit d’une très grande injustice.
Parce qu’après tout, vous, vous savez plein de choses de moi. Que j’aime le ski par exemple. Ou encore que j’ai deux merveilleuses poulettes, que je coche monoparentale sur mon rapport d’impôt, que je n’aime pas les mécaniciens, que je culpabilise pour un rien, que mon grand-père est décédé d’Alzheimer, que j’habite dans un quadruplex avec tous les membres de ma famille.
Vous savez aussi que faire l’épicerie avec deux pitounes, ce n’est pas si simple. Que je suis nulle pour tenir ma maison en ordre tout en préparant les soupers, aidant aux devoirs, donnant les bains, faisant le lavage.
Mais moi, je n’ai aucune idée de qui vous êtes. Et ça m’embête un peu. Beaucoup même.
Parce que chaque semaine, j’entre chez-vous sans cogner. Sans invitation, je m’introduis dans votre salon. Des fois, je m’installe sur votre table à dîner. Il paraît même que j’accompagne certaines personnes dans le bain. Alors que d’autres préfèrent m’avoir tout près dans leur lit…
C’est aussi arrivé que j’aie été utilisée dans une litière à chat (sympathique!) ou pour emballer de la vaisselle dans un déménagement. Et je ne compte plus le nombre de feux de camp qui ont été allumés avec moi. Et plus souvent qu’autrement, je termine mon séjour dans votre demeure au fond de votre bac vert.
Loin de me plaindre de partager avec vous un moment de détente dans les bulles de bain ou sous vos couvertures (craignez rien, je ne regarde pas!), mais je me sens un peu mal. Je ne veux pas que vous pensiez que je suis mal élevée tout de même! Soyez rassuré, ma mère m’a appris les bonnes manières. Alors, vous comprendrez que j’ai un genre de malaise là.
Je veux donc vous connaître. Je veux établir une relation avec vous. Que nous ayons une histoire nous deux.
Allez, allez, ne paniquez pas! Je ne vous demande pas en mariage tout de même! Je ne déménagerai pas dans votre quatre et demi demain matin. Je ne cherche pas à avoir des invitations à souper Je tâcherai de ne pas vous donner mon opinion sur la couleur de votre nouveau mobilier de salon. Soyez sans crainte, je ne recherche rien de torride. Juste du platonique.
Seulement une relation d’égal à égal. De chroniqueuse à lecteur. D’une fille qui a écrit 134 chroniques jusqu’à ce jour sans savoir à qui elle les écrit. Il me semble que ce serait plus équitable si j’en savais un peu plus sur vous.
Ne soyez pas si gêné. Foncez vers votre clavier et écrivez-moi vos histoires. genevieve.proulx@lanouvelle.ca

03 mars 2008

Patience et microbes

Tout le monde est malade autour de moi. C’est la pagaille. Vraiment. Voyez.
Les filles de Chantal sont sur le point de faire exploser le thermomètre. Les jumeaux de Séb alternent entre otite et bronchiolite depuis des semaines. Laura combat une féroce varicelle. Pendant que le trio de Karine passait son temps entre le lit et la toilette la semaine dernière, elle jonglait entre le Pédialyte et l’eau de Javel. Julie est partie en trombe du bureau mercredi pour aller récupérer sa cocotte qui se plaignait de douleur à la garderie.
Justine et Théo frisent des records de rendez-vous à la clinique. Après quatre heures d’attente à l’urgence, Marie-Ève est repartie avec une prescription de Biaxin, de Flovent et de Ventolin pour son plus grand. Diagnostic : broco-pneumonie. Quand Sandra débarque avec sa marmaille chez le doc, toutes les secrétaires l’appellent par son nom.
Dom a tellement acheté de Tempra depuis novembre, qu’elle songe à s’inscrire auprès de la compagnie comme fournisseur officiel. Ça serait tout de même plus simple de voir arriver le camion de livraison chaque semaine plutôt que de courir à la pharmacie à tout bout de champ.
Ici, le thermomètre est poussiéreux. J’ai mis à la poubelle deux bouteilles de Tempra, une de sirop contre la toux, une de Tylenol pour enfants parce que la date d’expiration était passée. Celle du Pédialyte est borderline, mais j’ai encore quelques mois de lousse pour le Calmylin et l’Advil. J’ai également mis à vendre sur lespac mon humidificateur à Vicks.
Mes héritières n’ont pas manqué une seule journée d’école de l’année. Par conséquent, je n’ai pas callé malade à la shop depuis belle lurette. J’avoue que je n’ai aucune idée où sont passées leurs cartes d’assurance-maladie tellement ça fait longtemps qu’elles ont servi. J’espère que notre médecin de famille ne s’inquiète pas trop de notre absence. En espérant qu’il ne le prenne pas personnel.
Comme je n’aime pas être à part des autres, j’ai commencé à enquêter sur la non-présence d’une quelconque maladie à Proulxville. Pourquoi donc les microbes boudaient-ils ma famille? Parce qu’on s’entend que si aucune incubation de bactérie ne peut se faire dans le périmètre de ma maison, regardez bien l’argent que je vais faire tantôt!
Alors, c’est quoi ma recette pour éviter nez qui coulent et soirées passées dans la salle de bain à retenir les cheveux des mes puces pendant qu’elles se vident les entrailles? Je n’en ai aucune espèce d’idée!
Pourtant, nous ne nageons pas dans une mer de gel désinfectant pour les mains. Pas de multivitamines ou de propolis d’abeille à l’horizon. Je n’enferme pas mes rejetons dans leur chambre à l’abri de germes fouteurs de pagaille de système immunitaire. Et je ne cours pas les Varivax et vaccins contre l’Influenza.
Serait-ce les milliers de litres de lait de soya que je leur oblige à boire? Est-ce dû aux tonnes d’oranges et de cantaloups (reconnus pour leur haute teneur en vitamine C) que nous ingurgitons chaque semaine. Peut-être les milliers de yogourts aux pro-biotiques qui prennent place dans mon fridg? Sais pas.
Meuh non! Il n’y a pas si longtemps, c’est moi qui passais ses soirées à la clinique. C’était Filou qui dormait à l’hosto pour être réhydratée avec un soluté branché sur le coco. C’était Max qui m’a fait mourir de peur avec cette pneumonie qui ne guérissait pas. Je vous épargne les épisodes de poux, de varicelles, de crises d’asthme, de dents cassées, de pneumonies, de bronchiolites, de prise poids lente, d’infections urinaires, d’herpangine, d’otites, de cholestéatome congénital.
Je crois que ma recette, qui est très simple mais ô combien efficace, est la suivante : attendre patiemment que passe la petite enfance. Le temps fait son œuvre et ces nuits passées à entendre des quintes de toux ou à changer des draps remplis de vomi ne seront que de mauvais souvenirs…