27 février 2006

La porte magique

Je suis à deux poils d’appeler au service des petites annonces du journal pour faire paraître un encart qui irait comme suit :
À vendre
Deux jeunes filles de quatre et sept ans, propres et vaccinées.
La plus petite sait écrire son nom, aime avoir les cheveux attachés et rêve d’être une princesse plus tard. La plus grande s’adonne au violon, aime jouer aux Brads et aspire à devenir journaliste pour parler à des chanteuses chaque jour.
Prix à négocier. Pourraient être échangées contre une villa à Aspen ou un château en Espagne.

Parce que hier soir, la maman en avait sa claque. Entre Filou qui refusait de souper et qui s’amusait à nourrir le plancher avec son filet de porc et Maxim qui bougonnait devant son piano qu’elle refusait de pratiquer. Et voilà que la chicane éclate parce que Loulou a renversé son jus sur le clavier de l’autre. Je n’avais aucune idée où donner de la tête.
Le bain pourrait être une avenue intéressante pour calmer la tempête. Avec une huile apaisante, peut-être pourrais-je avoir deux minutes de calme ? Erreur ! Il m’a fallu au moins 45 minutes pour ramasser toute l’eau qui s’est retrouvée sur le plancher de la salle de bain. C’est que les deux terreurs s’imaginaient être au beau milieu de la mer en train de fuir de méchants requins. Soupir.
Dites-moi, à qui dois-je donc remettre ma démission de mère ?
Je ne sais pas si le téléphone fait le même effet chez vos enfants que chez les miens, mais à chaque fois qu’il sonne, il se produit une réaction physique chez mes démones qui fait en sorte qu’elles se mettent à courir partout, à crier et à rire très fort. Pas moyen de parler tranquillement plus de trois secondes.
J’ai donc pris la peine de consulter Météomédia pour savoir combien de centaines de mètres de neige allait-il tomber à Saint-Élie. À voir l’état de mes filles, c’est certain que la tempête du siècle allait s’abattre sur nous. Il valait peut-être mieux prévenir les autorités concernées.
C’est alors que l’idée de les foutre dans le bac de récupération m’a soudainement effleuré l’esprit. Mais le jour de ramassage n’est que mercredi prochain. Je me suis dis qu’elles auraient sûrement froid d’ici là. Je suis à bout, mais pas insensible quand même. Et je n’étais pas certaine si elles étaient composées de matières recyclables de toutes façons.
C’est finalement l’horloge qui les a sauvées d’une hivernation dans la remise du fond de la cour en m’indiquant que c’était l’heure du dodo. Enfin.
En moins de temps qu’il faut à Geneviève Simard pour descendre une piste de ski alpin, les deux diablesses ronflaient. Ai-je besoin de vous dire que j’ai soupiré de soulagement ?
Une belle soirée, tranquille ai-je besoin de le spécifier, s’annonçait. Tout n’était pas perdu. Je me jette donc dans Scrapbook de Nadine Bismuth. Un livre que je mourrais d’envie de lire depuis longtemps. Une page, deux pages, trois pages de lues. J’en peux plus. C’est trop tranquille.
Je mets le dernier Arcade Fire dans le lecteur de cd espérant meubler un peu cette atmosphère un peu trop calme à laquelle je ne suis pas habituée. Une autre page de lue. Non. Ça ne fonctionne pas. Il manque quelque chose.
Je descends au sous-sol. Je traverse la porte magique. Celle qui fait que l’on oublie tout. Que l’on jette sa lettre de démission de maman à la poubelle. Que l’on regrette d’avoir pensé au bac de récup. Que l’on cadenasse la remise.
Et je regarde mes deux petits anges dormir. Toutes paisibles. Je les trouve belles dans leur sommeil. J’ai déjà hâte qu’elles se réveillent.

20 février 2006

Le paradis existe

Le paradis existe. Croyez-moi, je l’ai trouvé.
J’ai longtemps pensé que ce lieu était caché quelque part dans le ciel et qu’il était réservé aux anges. Et bien non. Il y a bel et bien un Eden sur terre. Comble du bonheur, il n’est pas très loin que cela. Aspect non négligeable, nous n’avons pas besoin de passer par l’au-delà pour y entrer.
Trois heures de voiture bien comptées et nous voilà rendus à cet endroit où le bonheur parfait nous avait donné rendez-vous. Une montagne, de la neige à profusion, un soleil radieux, une paire de skis, quoi demander de plus?
En moins de deux, nous étions séduits par le charme de Tremblant. Parce que la montagne est majestueuse, mais l’ensemble du village est féerique.
Imaginez la scène.
Après une journée à dévaler les pentes de ce monstre des Laurentides, nous voilà immergés dans un bain tourbillon extérieur à l’Aquaclub La Source à détendre nos muscles endoloris qui, autrement, seraient en démarche d’accréditation syndicale.
Après une heure à tremper dans ce trou d’eau, nous voilà assis au beau milieu du village piétonnier à savourer une bière devant un feu extérieur à admirer les splendeurs du décor qui s’offraient à nous.
Je pensais avoir atteint le summum. Même pas.
Nous n’avions pas encore rencontré Rachel, la gérante du Fat Mardis, un sympathique resto où la cuisine de La Nouvelle-Orléans est à l’honneur. Assis devant un feu de foyer, nos papilles ont explosé de joie devant le poulet noirci aux épices qui prenait place devant nous. C’était juste avant de se retrouver au piano à jouer à quatre mains, elle et moi. Les airs étaient plus ou moins justes, mais les fous rires éclataient.
Question de nous refroidir les esprits un peu, nous avons migré vers le N’Ice Club. Parce que 1 600 tonnes de neige et 100 tonnes de glace, c’est assez pour frigorifier n’importe qui en moins de deux. Une création de l’Hôtel de glace de Québec, ce bar glacé unique où l’on sert des cocktails « on the rock » vaut largement le détour. Entre autres, pour la beauté de ses installations, où le design primitif et la modernité se côtoient, mais surtout pour l’ambiance qui réchauffe qu’on y retrouve.
Classée station de ski numéro 1 dans l’est de l’Amérique du Nord par Ski Magazine, Tremblant est également reconnu pour ses après-ski endiablés. Un séjour dans ce coin des Laurentides ne serait pas le même sans un détour au P’tit Caribou. Il n’y a pas de meilleur endroit pour rencontrer d’autres mordus de ski. D’ailleurs, que de plaisir avons-nous eu avec ce couple de Toronto qui n’hésitait pas à se trémousser sur le comptoir du bar nous emportant du même coup dans leur danse.
Parce qu’il nous restait encore quelques pistes à découvrir parmi les 94 offertes, nous sommes sagement rentrés à la Tour des voyageurs pour prendre un peu de repos. Le lendemain, il y avait encore des sous-bois qui nous attendaient, des versants à visiter et des nouvelles pistes à explorer. Une autre journée remplie de plaisir, d’adrénaline, de ravissement serait au rendez-vous.
Nous avons puisé à Tremblant bon nombre d’images magiques, de scènes fabuleuses et de souvenirs impérissables. Deux jours de vacances qui nous habiteront encore longtemps.
Nous voulions fuir l’ordinaire, nous avons découvert l’extraordinaire.

11 février 2006

Des vacances s.v.p.!

Dès la première minute où j’ai remis les pieds au bureau, à la suite de mes dernières vacances, en juillet, je savais qu’il était hors de question que j’attende encore un an avant de me saucer à nouveau le gros orteil dans une semaine d’inactivité professionnelle. J’ai tenu ma promesse. Je quitte pour une semaine.
Au moment où vous lirez ces lignes, soit je dévorerai les pentes de Tremblant, soit celles du Massif, dans Charlevoix. Peut-être serai-je en train de me prélasser dans un spa extérieur ou encore en train de savourer un délicieux repas louisiannais au cœur du village piétonnier.
Mais voilà. Je n’ai toujours pas appris comment gérer le dossier vacances. Depuis la minute où j’ai reçu la confirmation de mon séjour, les papillons ont envahi mon ventre, je suis insomniaque, j’ai les cernes qui tombent en bas du menton, je carbure à l’adrénaline, je suis sur le nerf bref.
Ça vous fait ça à vous aussi ?
Ce n’est pas de l’anxiété, mais de l’excitation. Je compte les dodos, les heures et les minutes me séparant de mon séjour Je me déplace à cloche-pieds. Je consulte le site de Météomédia compulsivement pour analyser les prévisions météo. Mon chapelet est accroché à corde à linge depuis lundi. Je fais la danse de la neige et du beau temps chaque jour. S’il fallait qu’il fasse -74 ! Ou pire, qu’il pleuve !
Et c’est sans compter les heures que je passe sur les sites Internet de ces deux montagnes à étudier les plans des pistes de ski, à admirer les paysages de leurs albums photos, à planifier le meilleur itinéraire pour m’y rendre. Tant qu’à être sur la toile, je visite les chambres d’hôtel où je logerai, les restaurants où je mangerai, les sites touristiques qui vaudraient le détour.
J’ai tellement peur d’attraper une maladie quelconque qui jouerait les troubles fêtes que je me promène avec un masque, je me lave les mains aux dix minutes, je demande un certificat médical de tous les membres de la famille lorsque je vais chez quelqu’un. Je carbure au jus d’orange. Je me shoote à l’Echinacée.
Il est hors de question que la gastro se niche dans mon bedon, que le rhume trouve logis dans mes sinus, que mes amygdales flirtent avec la Pénicilline. Que ces affections se le tiennent pour dit, pas question qu’elles réclament l’asile dans mon corps, du moins pas avant le 20 février prochain.
J’ai fais des dizaines de listes. Une pour les valises des filles. Une autre pour Jonathan qui prend ma relève au journal. Une pour les trucs à ne pas oublier. Une autre pour mes bagages. J’ai fait aussi une liste de mes listes. On n’est jamais trop prudent. J’espère tellement ne rien oublier.
Bref, j’arriverai à mon premier jour de vacances complètement exténuée. De toute façon, j’aurais dix jours pour récupérer. Ce n’est pas à ça que servent les vacances ?

04 février 2006

L’histoire de June et Thomas et les stratégies poches de l’amour

C’est l’histoire de June et de Thomas. Ça aurait pu être celle de Julie et de Sébastien ou de Sandrine et de Hugues. Une histoire d’amour banale, mais ô combien révélatrice de notre tendance à tout vouloir contrôler. De notre incapacité à se laisser aller.
La voix du magicien traînait dans ma bibliothèque depuis deux ans maintenant. Si bien, que je l’avais oublié sans jamais l’avoir lu. Faut dire que lorsque j’avais reçu ce bouquin au bureau, je n’avais pas tellement la tête à lire les émois d’une amoureuse. Mais voilà, vendredi, il m’a rappelé qu’il était là. En moins de deux, j’étais captive de ses phrases, de ses mots.
La voix du magicien, c’est une histoire d’amour qui se termine mal, mais qui, dans le fond, n’a jamais vraiment débuté. C’est June qui nous raconte comment elle est un peu gauche dans ce début de relation. Comment elle a peur.
Elle préfère jouer à l’indifférente, voire même à l’ignorante, comme si ça ne la touchait pas, comme si elle ne savait pas. C’est la première fois qu’une histoire comme celle-là lui arrive, une histoire dans laquelle elle fait si attention, dans laquelle elle mesure chaque option avant de prendre position ou de prendre une décision.Une stratégie poche. Comme nous faisons tous quand on cherche à entrer dans la vie de quelqu’un. Une manœuvre pour ne pas paraître trop intense. Un agissement qui est supposé nous rendre follement intéressante, mais qui, au contraire, nous vole ces instants magiques.
Parce que lorsque June est avec Thomas, elle est quelqu’un d’autre. Une usurpation d’identité qui lui coûtera probablement la possibilité de vivre un grand amour, LE grand amour. Je n’ai pas pu m’empêcher d’être un peu une autre que moi. Par ma faute, je ne t’ai pas donné la possibilité de bien me connaître. Réaction de défense ?Ça serait si simple s’ils discutaient. Ils parlent, mais ils ne communiquent pas. Il parle Thomas, il parle. Mais quand vient le temps de dire les choses, les vraies, les mots se noient et disparaissent au plus profond de sa gorge. Et elle parle June, elle parle aussi. Mais quand vient le temps de dire les choses, les vraies, les mots restent cachés au fond de sa tête.
Pour June, Thomas est compliqué. Pour Thomas, June est compliquée. Lui a-t-elle seulement parlé de tout ce qu’il lui a fait vivre ? Ne lui reproche-t-elle pas exactement ce qu’elle fait elle-même ? Mais pourquoi fais-elle la même chose que lui ?
C’était écrit dans le ciel. Thomas s’est éloigné. June s’est retrouvé seule avec ses questions, ses tourments, sans les réponses. Je comprends que tu sois lâche et tu aies peur. Mais peur de qui ? Peur de moi ? Peur de toi ? Peur de quoi ?Parle-moi Thomas, dis-moi.
Malgré le chagrin qui assaille June, malgré son cœur brisé, malgré tout, elle regarde en avant avec sérénité.
Elle fait ça la Vie, elle met des gens sur notre route pour nous faire avancer, pour nous montrer des choses qu’on ignore sur nous, pour nous apprendre à aimer, à nous aimer. En nous permettant de connaître les autres, la Vie nous permet de mieux nous découvrir.Ça aurait pu être votre histoire ou la mienne. Mais dans toutes nos relations, qu’elles soient mortes dans l’œuf ou non, nous avançons, nous grandissons. C’est la beauté des relations humaines.